En préambule, il est important de préciser que la techno revendique une manière spécifique d'occuper l'espace et un processus de création en marge des normes du monde économique et politique dont elle refuse la verticalité et la violence. Les soirées techno se sont développées dans des espaces liminaux (anciennes banques ou usines d'électricité, etc.) indiquant un goût pour le passage vers une autre société que celle qui nous a trop longtemps été promise. Or, le Capital ne manque pas de bonne volonté pour reprendre à son compte l'esthétique de la techno via le monde de l'industrie musicale ou celui des promoteurs immobiliers avides de "revitaliser" les quartiers les moins côtés des grandes métropoles européennes. En récupérant le mouvement, le capitalisme participe à sa déshistoricisation et en fait un instrument de gentrification qui occulte ses fondements et son contexte d'émergence.
Pendant un court moment, à la fin des années 1980, une scène s'est organisée autour de l'Acid Music, version hardcore de la Techno. Définie par deux machines mythiques, la TR-909 pour le rythme, et la TB-303 pour la mélodie, cette musique jouée à un volume brutal est destinée à être vécue en live dans les raves parties où elle s'associe aux stroboscopes et à la drogue… En enquêtant sur cette scène underground, "Rage" mêle abruptement mais non sans poésie cette subculture Techno à l'horizontalité de la pensée anarchiste. S'y croisent pèle-mêle une constellation de sujets tels que le désordre, l'enfance, le chaos, l'instinct de vie et de mort, des sociétés secrètes, la violence, mais aussi l'amour pour créer une constellation hétérogène que pourrait être cette scène sans succomber à la tentation de lui donner un sens définitif. C'est néanmoins de cette façon indisciplinée, que Dominique Lohlé et Guy-Marc Hinant ont choisi de répondre à la difficile question de savoir comment parler d'Acid Music.